Sylvae, vers un réseau de vieilles forêts en libre évolution
Initié par le Conservatoire d’espaces naturels d’Auvergne et progressivement étendu à d’autres territoires, le programme Sylvae vise l’acquisition foncière de parcelles de forêts anciennes et matures, ou de forêts à haute valeur écologique afin de les laisser évoluer librement et d’en assurer la préservation sur le long terme.
Ce mode de « non-intervention » permet de respecter le cycle naturel des forêts, qui s’étire sur plusieurs siècles. Les arbres ont ainsi tout le temps d’évoluer vers les stades de vieillissement et de sénescence, puis de mort et de décomposition, cette dernière étape pouvant durer plusieurs dizaines d’années !
Ce programme concerne en priorité l’acquisition de parcelles de vieilles forêts et, secondairement, de parcelles de forêts dites « à haute valeur écologique », c’est-à-dire présentant des enjeux particuliers du point de vue de la biodiversité. C’est le cas par exemple des forêts alluviales, situées au bord des cours d’eau, ou encore de forêts abritant des espèces remarquables.
Qu’appelle-t-on « vieille forêt » ?
Une vieille forêt se définit comme une forêt à la fois « ancienne » et « mature ».
Ancienne d’abord, c’est-à-dire existant sans interruption, spatiale ET temporelle, depuis au moins le début du 19e siècle (période dite du « minimum forestier » en France), soit environ 200 ans. Cette qualité est indépendante de la gestion forestière passée et actuelle.
Mature ensuite, c’est-à-dire caractérisée par un développement biologique avancé des arbres qui la composent : abondance de vieux arbres, généralement de gros diamètre, et de bois mort (debout et au sol) à divers stades de décomposition.
Pourquoi se mobiliser pour les vieilles forêts ?
Elles sont un réservoir de biodiversité
Les vieilles forêts hébergent une biodiversité riche et irremplaçable.
Elles sont particulièrement importantes pour les espèces exigeant un grand volume de bois mort à divers stades de décomposition, une forte densité en micro-habitats (trous de pics et autres cavités, abris sous écorce, etc.) ou encore pour les espèces ayant une faible capacité de recolonisation (éliminées en cas de défrichement ou de surexploitation).
Les vieux arbres constituent également des sites de reproduction pour de nombreuses espèces : oiseaux cavicoles (sittelle torchepot, pics, chouettes, etc.), insectes, chauves-souris et autres micromammifères.
Elles sont nos alliées face au changement climatique
Les vieilles forêts stockent une grande quantité de carbone à travers leur biomasse (troncs, branches, racines des arbres) mais aussi, et surtout, dans le sol lui-même (plus de 50%).
Leur préservation contribue donc à réduire les effets du dérèglement climatique.
Elles sont un pan de notre histoire et de notre culture
Les forêts déjà présentes au début du 19e siècle sont souvent beaucoup plus anciennes, certaines pouvant remonter jusqu’au début du Moyen‑Âge (5e siècle) voire à l’Antiquité !
De nombreux contes et légendes ont pris naissance dans ces forêts. Les préserver, c’est faire perdurer notre héritage commun pour le transmettre aux générations futures.
Elles sont un lieu de ressourcement et d’inspiration
Souvent qualifiées de « naturelles » ou « sub-naturelles », les vieilles forêts offrent au regard un paysage à l’aspect sauvage, où la nature s’exprime spontanément. Dans un monde très anthropisé, ces lieux préservés sont propices à l’émerveillement devant la beauté du Vivant !
MAIS elles sont menacées
En France, et plus généralement en Europe, les vieilles forêts se raréfient. Elles représentent aujourd’hui moins de 5% de la surface forestière en zone de montagne et moins de 1% en plaine. Dans un contexte de mobilisation accrue de la ressource en bois, ces milieux naturels subissent une pression croissante. Si l’exploitation forestière a toute sa vocation pour la création d’énergie ou de matériaux durables, elle n’est généralement pas compatible avec le vieillissement naturel des arbres…
L’opération « Aux arbres citoyens ! » : un coup de pouce pour Sylvae
Suite à l’appel aux dons lancé lors de l’émission de télévision de France 2 « Aux arbres citoyens ! », diffusée en novembre 2022 et réalisée en partenariat avec France Nature Environnement, près de 2 millions d’euros ont été récoltés en faveur de la préservation des forêts françaises grâce à la générosité des citoyens. Un appel à projets a ensuite été lancé pour financer des actions concrètes grâce à ces fonds.
39 projets ont été retenus dont celui des Conservatoires de Bourgogne-Franche-Comté. Les financements obtenus dans ce cadre (près de 100 000 €) vont contribuer au déploiement du programme Sylvae et à l’achat de parcelles de forêts de montagne et de plaine, remarquables par leur ancienneté, leur maturité et leur valeur environnementale. Ces dernières ne feront ensuite l’objet d’aucune intervention sur la végétation (coupe d’arbres, export de bois, plantation, etc.). Les arbres accompliront ainsi leur cycle biologique complet : croissance, maturité, vieillissement, sénescence puis mort et régénération naturelle.
Les objectifs du projet en bref
- Acquérir 25 ha de vieilles forêts en Bourgogne-Franche‑Comté pour les laisser en libre évolution et les préserver
- Valoriser ces milieux naturels et la libre évolution en forêt auprès du grand public
- Sensibiliser le grand public à l’intérêt de l’acquisition de vieilles forêts pour essaimer sur d’autres territoires